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Page:Pert - La Petite Cady.djvu/131

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plète, d’un inspecteur qui l’avait assaillie dans un corridor du collège.

C’était tout son bilan passionnel.

Elle n’avait donc pas menti au député en certifiant n’avoir jamais aimé. Mais son inexpérience lui causait de pénibles tourments, car elle sentait qu’elle n’avait plus pour sa gaucherie sentimentale et sensuelle l’excuse d’une virginité depuis longtemps envolée.

« La vilaine… vilaine femme !… Je la hais !… Et père aussi, je le déteste ! » songeait Cady, remuant mille pensées confuses de vengeances absurdes, d’enfantillages cruels, de rancœurs cuisantes, de désespérance profonde.

Et, tour à tour, elle redescendait plusieurs échelons, redevenait puérilement petite fille, ou s’élançait en avant, franchissait, dépassait son adolescence présente, pour ressentir toutes les colères, toutes les blessures poignantes de la femme faite et mûre devant la défection de ceux qu’elle voudrait aimer sans restriction, respecter aveuglément, qu’elle voudrait croire sans tache, incapables de défaillance…

Et cette crise morale si aiguë finit par s’apaiser, telle qu’une souffrance physique. Comme un nerf s’atrophie et cesse d’être sensible, son affection de naguère pour son père, tumultueuse, mal définie, mais certaine et ardente, s’altéra soudain en son cœur, se désagrégea, s’évanouit. Et tandis qu’une grande lassitude, un froid et un découragement s’épandaient en elle, elle s’endormit.

À son réveil, comme après le repos léthargique qui suit une violente névralgie, elle ne retrouverait plus trace de cette tendresse disparue : pétale essentiel arraché de cette pauvre fleur prématurément éclose qu’elle était.

Une inhabituelle douceur se leva pour Cady du déjeuner pris solitairement avec Mme Darquet et la petite Jeanne, conviée par extraordinaire à la table