— Où irons-nous ?
— Vous inquiétez pas !… Ça sera sur de la terre ferme… Ah ! qu’est-ce qui vous reste d’argent pour nos courses ?
— Pas grand chose. Quarante sous, je crois.
Cady fit la grimace.
— La purée !… Moi, j’ai six ronds !… Avant-hier, ma cousine Serveroy m’a emprunté dix francs. Alors, la première chose, c’est de saigner un pante… On ira déjeuner chez mon parrain, et il casquera… Allons-y immédiatement… Vous verrez, c’est amusant chez lui. Dans son cabinet, c’est plein de portraits de femmes nues, et je connais le truc pour ouvrir un meuble où il y a des albums de dessins dégoûtants… Nous les regarderons pendant que parrain s’habillera.
— Ah ça ! de qui parlez-vous ? demanda Mlle Armande, décidée à ne rien relever des paroles étranges de son élève.
— Du père Le Moël, le sénateur.
— Bon !… C’est chez lui que nous déjeunerons ?… Enfin, c’est au moins un homme vieux et respectable.
— Vieux, oui. Mais il n’y a pas plus cochon que lui, je vous en réponds !… Vous allez voir les petits yeux qu’il fait en m’embrassant et en me tripotant !…
— Cady !… Voyons !
— Quoi ? C’est tout simple… C’est justement parce que ce n’est pas un vrai bon vieux, qu’il est à la coule, qu’il ne nous vendra pas et qu’il allongera du pognon pour notre vadrouille.
Dans la voiture qui les menait rue Monsieur-le-Prince, où habitait le sénateur, Mlle Lavernière profita d’un instant de répit dans le verbiage de Cady pour lui poser une question, d’un ton ambigu :
— Dites-moi, Cady, cela ne vous est pas désagréable d’aller faire le pantin et de recevoir les ca-