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Page:Pert - La Petite Cady.djvu/201

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tion. Mais son regard ému et suppliant s’attachait avec une telle éloquence sur son père que celui-ci sourit, caressant la fillette de sa grosse main lourde qui faisait plier le corps frêle sous son poids amical.

— Rassure-toi, Cady, tu l’auras, ton instrument… Ah ! si, toutefois, tu peux me jouer quelque chose de passable… Allons ! mets-toi au piano et barbotte…

Cady se sentit défaillir. Une sueur froide humectait ses tempes et ses paumes.

— Jouer !… Jouer pour cet auditoire froid, indifférent, incompréhensif !…

— Jouer quoi ?… balbutia-t-elle, éperdue.

— N’importe !… une bêtise quelconque. Tu sais bien quelque chose par cœur ?

— Non, non ! rien par cœur, je joue toujours avec la musique ! dit Cady précipitamment.

Mme Darquet intervint encore, avec mécontentement :

— Voilà qui est absurde !… Je dirai à Mlle Lavernière qu’elle veille à ce que tu exécutes tous tes morceaux de mémoire… C’est indispensable. Te vois-tu, plus tard, dans le monde, apportant ta musique comme une artiste, ou alors incapable de jouer !… À quoi bon travailler si l’on ne peut pas se produire ?…

La tête basse, Cady retenait les paroles passionnées qui faisaient frémir ses lèvres.

Jouer, mon Dieu ?… Mais l’on jouait d’abord et surtout pour soi !…

Cependant, comme M. Darquet faisait mine de se fâcher, elle rassembla tout son courage et courut au casier de musique, avec le rappel de certain cahier…

Elle annonça, un peu rassérénée, plaçant le volume sur le pupitre :

— Papa, si tu veux, je te jouerai une Romance sans paroles, de Mendelssohn ?