— Allez-vous vous taire, petite bougresse !
L’enfant effrayée ne sonna plus mot. Ses yeux clairs errèrent égarés autour d’elle ; des sanglots convulsifs secouaient sa petite poitrine.
La cuisinière se releva et l’assit rudement sur une chaise.
— On dirait qu’on a saigné un cochon dans ma cuisine ! bougonna-t-elle.
Maria, qui avait repris ses sens, se rapprocha.
— La bigre de mâtine ! s’écria-t-elle aigrement. Elle avait bien nécessité de nous donner ce tintouin, aujourd’hui !
— Comment cela lui est-il arrivé ? demanda Mlle Armande toute bouleversée.
La femme de chambre expliqua.
— Elle était là à nous embarrasser… Elle jouait avec un couteau à défaire et elle est tombée dessus… C’est miracle qu’elle ne se soit pas embrochée !
Et comme l’enfant étourdie glissait de sa chaise, la bonne la bourra.
— Tenez-vous, petite sotte !…
Mlle Armande s’étonna :
— Où est donc la personne chargée de cette petite ?
Valentin, qui débouchait du bourgogne dans l’office, ricana.
— L’Anglaise ?… Elle a filé comme ça lui arrive souvent !… Elle rentrera saoule comme une bourrique !
— Couchez donc cette enfant, conseilla en passant le maître d’hôtel, un vieux efflanqué sous son habit trop large.
Maria répliqua impatiemment :
— On ne peut pas, sans quoi il y a longtemps qu’elle serait collée au pieu !… Madame a ordonné qu’on la tienne éveillée pour l’amener au salon quand ces dames seront seules !…
Mlle Armande se récria.
— Jamais vous ne pourrez la montrer !