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Page:Pert - La Petite Cady.djvu/55

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Jacques Laumière, elle posa effrontément ses lèvres sur la joue imberbe du jeune homme qui reçut cette caresse en riant, sans un geste pour arrêter la fillette, ni pour l’encourager.

Ah ! c’est que ce soir j’ai un interlocuteur plus intéressant que toi, ma petite ! dit-il. Cady jeta un regard méfiant et colère au personnage assis à côté de son ami et qui fumait en l’examinant avec indifférence.

Celui-ci, très brun, de forte carrure, l’air viril et énergique, portait une barbe courte, où apparaissaient prématurément quelques fils blancs. Son front se dégarnissait. Il avait cet on ne sait quoi d’ardent et de desséché qui caractérise ceux qui ont vécu aux colonies.

Maurice Deber était, en effet, un fonctionnaire colonial en passe, vu de solides protections, d’obtenir un poste fort élevé au Tonkin, malgré sa jeunesse.

Car son apparence, ainsi que celle de son ancien camarade de collège Jacques Laumière, était également trompeuse, en sens inverse.

Alors qu’on eût donné aisément dix ans de plus aux trente ans de Maurice, ceux de Jacques eussent facilement bénéficié de sept ou huit années en moins.

Le jeune peintre avait le teint blanc, la souplesse blonde de la chevelure, la pureté indolente et comme lassée des yeux d’un adolescent. Seule, une ride profonde, coupant en deux le front, apportait une contradiction en ce visage menteur, car rien dans la vie et l’âme de l’artiste ne confirmait la juvénilité de son aspect physique.

— Tu reconnais l’original de mon tableau destiné au prochain Salon de la Nationale ? demanda-t-il à Deber, en désignant d’un clin de paupières la fillette absorbée dans sa contemplation malveillante.

Le colonial acquiesça.

Certes… et j’ai une fois de plus admiré ton