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Je débarquai un beau jour de 1902, plein d’espérance et de bonne volonté. J’avais, je le concède quelque valeur, mais aucune expérience et je m’en aperçus de suite, à la première course que je courus, pour préciser.

Je m’alignai dans le Bol d’Or avec Constant Huret. J’étais plein de vaillance. Mais ce n’était pas suffisant. Il me manquait cette belle confiance que je possède aujourd"hui et que j’ai mis de si longues années à acquérir.

J’avoue humblement qu’au cours de cette importante épreuve, gagnée par moi deux ans plus tard, je me laissai faire « à l’émotion » par le Grand Constant.

Je doutais de mes moyens ; lui connaissait les siens et, mieux encore, les miens peut-être. Toujours est-il qu’il me laissa entendre qu’il n’y avait rien à faire avec lui, et que je le crus.

Je ne me défendis plus du moment où il me fit acquérir cette conviction qu’il était meilleur que moi, et je dus me contenter de la seconde place.

À mon avis, si j’avais couru plusieurs années avec Constant, en peu de temps je serais devenu un maître tacticien. Il y a longtemps déjà que je cours avec cette maîtrise et cette belle sûreté qui caractérisaient le plus fameux champion de fond que le sport cycliste ait jamais produit. Je m’en suis toujours très bien trouvé.

J’insiste quelque peu sur cette partie de ma carrière, parce qu’elle me permet de faire ressortir l’un de mes plus grands défauts : mon manque de hardiesse. Que de courses j’ai perdues à cause de mon peu d’audace ! Je ne le regrette pas. Ce qui est fait est fait. Néanmoins, je suis persuadé que je n’aurais pas mis plusieurs années à acquérir sur la route une certaine notoriété, si j’avais disposé d’une qualité sans laquelle on n’est jamais un grand champion.

Je n’ai pas l’intention d’écrire, quant à présent, ma biographie ; cependant, je tiens à vous faire remarquer que je cours sur route depuis 1904.