expéditions militaires accomplies pour les ravir ou les reprendre. Heureuse la cité qui renferme les reliques d’un saint et qui les honore ! Ce n’est pas le lieu de sa naissance ni même le lieu de sa mort qui détermine les limites de son patronage ; c’est le lieu de sa sépulture. Voilà pourquoi on vient de si loin s’agenouiller sur ses reliques ; invoqué à distance, le saint n’est pas si puissant, ou il n’est pas si favorable.
Ainc puis que li cors saint Germer
Dedenz Biauvais aporté fu,
N’i art nus de dolereus fu[1],
Dedenz deux lieues environ.
Pour ceste grant garantison,
I doit courre touz li païs.
Vos qui estes de Biauvoisis,
Moult vos devez eleescier[2],
Son cors chierir et tenir chier[3].
Ainsi Rome possède le corps d’Alexis ; elle veut le garder ; la foule grossit, encombre les rues ; roi ni comte ne les peut percer. Comment transporter le corps saint ? Le pape et les empereurs s’effraient : « Jetons, disent-ils, jetons de l’or au peuple pour qu’il nous ouvre passage. » Ainsi font-ils, et l’or et l’argent pleuvent sur la populace. Mais ce peuple dédaigne de se baisser pour le prendre : « Nous n’avons souci, crie-t-il, d’or ni d’argent ; mais nous voulons voir et toucher le corps saint. » Car déjà les miracles se multiplient parmi ceux qui ont pu approcher ; il n’est infirme ou malade, qui, en le touchant, ne soit aussitôt guéri :
Qui vint pleurant, chantant s’en est tourné.
Enfin à force de patience et de prières et de menaces, le pape et les empereurs parviennent à transporter la précieuse dépouille dans l’église de Saint-Boniface, où elle repose dans un cercueil de marbre, revêtu d’or et de pierres précieuses. « Ce jour il y eut cent mille pleurs versés. »