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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/394

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récits des évangiles authentiques et apocryphes, auxquels ils ajoutèrent leurs propres inventions. Les auteurs de romans de la Table ronde virent dans cette histoire un moyen d’augmenter et de renouveler l’intérêt de leurs poèmes : plusieurs des chevaliers de la Table ronde reçurent la tâche de retrouver le saint graal, et cette conquête fut donnée, suivant les narrateurs, tantôt à l’un, tantôt à l’autre.

Tels sont les éléments en quelque sorte externes des romans arthuriens ; mais ce qui les caractérise, comme tous les romans de l’épopée courtoise, c’est la peinture de l’amour tel que le concevait la société polie du moyen âge. C’est dans le chapitre sur la poésie lyrique qu’on étudiera en détail les origines de l’amour courtois ; mais l’amour courtois des lyriques n’est pas rigoureusement identique à celui des conteurs, en ce sens que le premier, ne s’adressant qu’aux femmes mariées, nie la possibilité de l’amour entre époux, tandis que les conteurs sont loin d’exclure l’amour qui précède et qui accompagne le mariage. D’ailleurs l’amour des romans, légitime ou illégitime, a tous les autres traits distinctifs de l’amour lyrique : il est irrésistible, essentiellement fidèle, humble chez l’homme, timide chez la femme ; il aime à s’analyser par le menu ; enfin c’est une source de perfection morale pour la femme, de valeur et de qualités chevaleresques pour l’amant.

Notre épopée courtoise a eu, comme notre épopée nationale, un grand succès à l’étranger ; elle n’y a pas suscité une littérature originale ; elle a été goûtée telle quelle, sous la forme de traductions délayées parmi lesquelles on ne rencontre que rarement, sauf en Allemagne, une œuvre ayant quelque valeur propre. On trouvera dans la bibliographie l’indication de ces imitations et des travaux dont elles ont été l’objet[1], comme aussi des études générales ou de détail qui ont été publiées sur nos différents romans. Mais, en dehors de ces renseignements bibliographiques indispensables, nous voudrions consacrer tout l’espace dont nous disposons ici à faire réellement connaître nos romans arthuriens et d’aventure, non pas en les analysant tous sommairement — c’est à peine si nous pourrions donner une

  1. Plusieurs de nos romans se trouvent sous une forme galloise, qui a été considérée à tort comme la forme originale.