Aller au contenu

Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/502

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dont la succession constituait seule cette danse extrêmement simple étaient marqués respectivement par les vers (ou hémistiches) chantés par le soliste, et le refrain repris par tout le chœur[1].

Formes successives de la chanson à danser. — Ce n’est que peu à peu et en traversant une série de modifications successives que la chanson de danse aboutit, au XIIIe siècle, à la forme qui devait rester classique[2] : uniquement soumise à cette condition de se partager entre le chœur et celui qui « chantait avant », elle pouvait en effet affecter une extrême variété de formes. Il est probable que la plus simple et la plus ancienne de toutes nous est conservée, bien qu’un peu allongée, dans les chansons de toile, dont les strophes se composent de quelques vers construits sur la même rime (ou assonance) et d’un refrain. Il est naturel de penser qu’à l’origine la strophe a été constituée par les deux phrases chantées consécutivement par le soliste et le chœur. Celle que prononçait le premier fut d’abord fort courte : un fragment de chanson de toile du XIIe siècle (Bartsch, I, 18) nous offre une strophe composée uniquement de deux vers ; il y a de fortes raisons de penser qu’il y en a eu d’un seul vers.

Peu à peu le besoin de la variété se fit sentir : on intercala alors le refrain dans l’intérieur même de la strophe, mais sans s’astreindre à aucune règle précise en ce qui concernait sa forme ou sa place. C’étaient des espèces de passe-partout qui s’introduisaient ici ou là suivant les exigences de la rime. On en arriva enfin à une forme rigoureusement fixée, celle d’une strophe de huit vers où le premier revient trois fois, le second deux fois :

Hareu ! li maus d’amer
M’ochist !
Il me fait desirer,
Hareu ! li maus d’amer
Par un dous resgarder
Me prist.
Hareu ! li maus d’amer
M’ochist !

(Adam de la Halle, éd. de Coussemaker, p. 211.)
  1. Cf. G. Paris, Origines, p. 46.
  2. Les refrains sont donc très variés et ils constituent, à ce titre, des documents de première importance pour l’histoire de notre versification.