Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/506

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nous ferons observer que certains personnages appartenant à la société courtoise y sont indispensables (dans l’aube le guetteur, dans la pastourelle le chevalier, qui apparaît fréquemment aussi dans la chanson à personnages) ; que, s’ils ne respirent point cette haine et ce mépris du vilain, caractéristiques de tant de genres, l’intention satirique à l’endroit des gens du peuple y est sensible, et l’ironie par laquelle elle se manifeste est parfois assez cruelle ; que leur style est émaillé de formules courtoises ; enfin que leur forme métrique est d’une complication bien éloignée de la poésie populaire.

Cependant il est démontré que tous ces genres, malgré les traces d’esprit courtois qu’on y peut relever en abondance, n’ont point été purement et simplement importés de la France méridionale, que les genres similaires existant dans la littérature provençale, s’ils ont influé sur eux, n’ont guère moins subi leur influence[1]. C’est qu’en effet, si ces genres ne représentent point proprement cette antique poésie populaire, ils en sont sortis, et cette origine explique quelques-uns de leurs traits les plus caractéristiques, et, au premier abord, les plus déconcertants.

Caractère conventionnel des genres étudiés plus haut ; leur origine. — Quelle que soit leur diversité, il en est plusieurs en effet qu’ils possèdent en commun : ils reposent essentiellement sur une chanson de femme ; ils commencent par une description du printemps ; enfin on y trouve ce même ton de légère et folâtre insouciance, cette même révolte contre les règles ordinaires de la morale, qui, si elle était prise au sérieux, serait monstrueuse. Or, tous ces traits devaient exister déjà dans une catégorie de chansons populaires et notamment dans la plus nombreuse de toutes, celle des chansons de mai, dans lesquelles, si l’on accepte une hypothèse que M. G. Paris a soutenue avec une puissante dialectique et une singulière abondance d’arguments, il faudrait chercher la source de tous

  1. Pour la délicate question des influences réciproques, je suis obligé de renvoyer à mon livre sur les Origines de la poésie lyrique en France, et surtout aux articles de M. G. Paris déjà cités si souvent. M. Paris incline à penser, pour des raisons qu’il serait trop long d’indiquer, que toute cette poésie est née dans une région intermédiaire entre le Nord et le Midi, vers le Limousin, l’Auvergne ou le Périgord.