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CHAPITRE I

LA RENAISSANCE[1]


I


Dans les premières années du xvie siècle, un esprit nouveau commence à régner en France ; une nouvelle manière de concevoir la vie, la science, la politique, l’art et la poésie, se fait jour ; et bientôt s’impose, sans trouver presque aucune résistance. Tout ce qui est puissant par la naissance, les dignités, le savoir, le génie, les richesses ; rois, princes, prélats, érudits et artistes ; jusqu’à l’opulente bourgeoisie des grandes cités commerçantes, semble gagné d’avance à cette attrayante entreprise de rajeunir et de renouveler le monde.

Les hommes n’ont pas toujours le sentiment exact des révolutions qu’ils subissent ; ni même de celles qu’ils accomplissent. Ainsi le nom de Renaissance, entendu au sens où nous l’entendons aujourd’hui ne se rencontre pas au xvie siècle. Mais toutefois, les plus intelligents et les plus attentifs parmi ceux qui vivaient alors, ont remarqué le changement dont ils étaient témoins ou auteurs ; et, sans lui donner un nom distinct, ils ont eu, pour ainsi dire, conscience de la Renaissance. « Hors de cette épaisse nuit gothique, nos yeux se sont ouverts à l’insigne flambeau du soleil[2]. »

  1. Par M. Petit de Joinville, professeur à la Faculté des lettres de l’université de Paris.
  2. Lettre de Rabelais à André Tiraqueau en tête d’une édition des Épîtres de Manardo. (Edit. Marty-Laveaux, t. III. p. 311.)-