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NOTICE

plaintes à son époux, et accusa Baudouin d’avoir voulu la séduire. Quelques jours après, Jean appelle sa cour à un festin, ordonne que son prisonnier lui soit amené, et le fait sabrer en sa présence. On le jette encore vivant dans une fosse destinée à recevoir des animaux morts, et il y expire après avoir éprouvé les plus affreux tourmens. Ainsi périt Baudouin, premier empereur français qui ait occupé le trône de Constantinople : la Providence lui fit payer chèrement cette grandeur passagère.

Le régent et les Français furent pénétrés de douleur en apprenant ces tristes détails. Après avoir laissé des garnisons dans les places importantes, l’armée revint à Constantinople, où le prince Henri fut couronné par le patriarche Morosini. Les Grecs s’étonnèrent que le frère de Baudouin eût tant tardé à se faire proclamer empereur. Habitués à fouler aux pieds les lois sur la succession au trône, ils ne pouvoient concevoir le désintéressement de Henri, qui n’avoit voulu prendre la pourpre qu’après s’être assuré de la mort de Baudouin. Les plus sages d’entre eux admirèrent cette modération qui distinguoit les princes d’Occident ; et Nicétas, quoique ennemi déclaré des Français, l’offre pour-modèle à ses compatriotes.

Le règne de Henri commençoit sous de funestes auspices : il falloit relever un empire déchiré par les factions, désolé par les invasions étrangères, plongé dans la plus horrible anarchie, et unir par les liens de la confiance et de l’amitié deux peuples dont les mœurs étoient absolument différentes. Il étoit réservé à sa modération et à sa prudence de surmonter tous ces obstacles.