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SUR VILLE-HARDOUIN

taines ; mais l’a-t-on considéré avec des yeux vraiment philosophiques ? Il suffit d’avoir une légère teinture de l’histoire pour savoir combien sont ordinairement petits, frivoles ou odieux, les motifs de presque toutes les guerres. L’ambition, le dépit, l’amour propre blessé, ont de tout temps fait couler des flots de sang. Puisqu’on est convenu de louer, lorsqu’ils réussissent, les auteurs de ces entreprises souvent injustes, on a, ce semble, mauvaise grâce à traiter avec mépris des expéditions où les dangers étoient plus grands que la gloire, où, dans les premiers momens de ferveur, l’ambition n’avoit aucune part, où le désintéressement étoit même porté jusqu’à l’héroïsme, où enfin les hommes, loin d’être, comme depuis, les instrumens aveugles des passions de leurs chefs, voyoient clairement le but vers lequel ils marchoient, et, croyant être appelés par le ciel à la plus noble des conquêtes, jouissoient, soit en triomphant, soit en périssant, de toute la liberté de leurs sentimens, et de toute la dignité de leur être.

Ce désir de visiter les saints lieux et de combattre les Infidèles, étoit devenu aussi ardent vers la fin du douzième siècle que du temps de Philippe I, lorsque l’Europe, sous les étendards des premiers Croisés, s’étoit en quelque sorte précipitée sur l’Asie. À la nouvelle de la prise de Jérusalem par les Sarrasins, et de la destruction totale de ce royaume, la consternation s’étoit répandue sur la chrétienté, et le pape Urbain III étoit mort de douleur ; mais l’espoir de réparer tant de pertes ayant bientôt succédé à cet abattement, les plus puissans princes s’étoient empressés de suspendre leurs différends pour ne s’oc-