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NOTICE

cuper que de cet unique objet. Quoiqu’une tentative récente n’eût pas réussi, l’esprit général n’étoit pas changé. L’enthousiasme paroissoit le même ; mais l’expérience avoit appris à mettre plus de prudence dans les dispositions d’une guerre si périlleuse.

La haine qui régnoit entre les Grecs et les Latins, le schisme qui les divisoit, les excès auxquels s’étoient autrefois livrés les Croisés en passant sous les murs de Constantinople, les trahisons, unique vengeance que les Comnène eussent pu tirer de ces désordres, avoient depuis long-temps déterminé les Occidentaux à éviter ces contrées ennemies, et à faire par mer le voyage de Jérusalem ; mais on avoit éprouvé que, même en prenant cette précaution, l’existence de l’Empire grec seroit toujours un obstacle invincible à ce qu’on s’établît solidement dans la Palestine. C’étoit un ennemi qu’on laissoit derrière soi, et un ennemi d’autant plus dangereux, que, sur le déclin de ses mœurs et de sa puissance, n’étant plus retenu par aucun scrupule, il étoit capable de toutes les espèces de perfidies. Dès l’année 1147, lorsque Louis-le-Jeune, à la tête d’une armée de Croisés, s’étoit arrêté près de Constantinople, Godefroy, évêque de Langres, l’un des principaux conseillers de ce prince, avoit opiné pour qu’on s’emparât de l’Empire grec avant de marcher contre les Sarrasins. Ce plan ne fut point adopté alors, mais il n’étoit pas oublié ; et l’on verra qu’il eut beaucoup d’influence sur la conduite de l’armée dont Ville-Hardouin fut l’un des principaux chefs. Les circonstances semblèrent d’ailleurs s’offrir d’elles-mêmes pour en renouveler l’idée, et pour en assurer le succès.