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NOTICE

à Constantinople, accompagné des mêmes ambassadeurs. La joie du peuple parut extrême ; et quand le jeune prince se fut réuni à sa famille, dont il avoit été si long-temps séparé, le bonheur brilloit sur tous les visages, excepté sur celui de l’Empereur, qui, quoique très-sensible au retour de son fils, ne pouvoit cacher sa tristesse. Il prévoyoit les suites des conditions qu’on lui avoit imposées. Le premier acte de son pouvoir eut pour objet de les prévenir. Il engagea les Croisés à ne pas loger à Constantinople, dans la crainte que deux peuples si différens ne pussent s’accorder ; et il leur assigna le quartier de Stenon, au delà du port, où il eut soin qu’ils se trouvassent dans l’abondance de toutes choses. Cette sage mesure n’empêcha pas les soldats français et italiens de venir par troupes à Constantinople, de prendre hautement sous leur protection les marchands de leur nation, qui jusque alors avoient été fort maltraités par les Grecs et d’irriter le peuple par des excès qu’il étoit souvent impossible de réprimer ; d’ailleurs ces soldats, qui avoient déjà supporté tant de fatigues, et dont l’enthousiasme pour la guerre sainte se trouvoit refroidi par une expédition qui n’avoit avec la croisade que des rapports éloignés, ne voyoient pas sans envie les immenses richesses accumulées dans cette capitale, et se laissoient amollir par les voluptés qui leur étoient offertes de toutes parts.

Les chefs de l’armée, voulant donner plus de solidité à l’établissement qu’ils avaient formé, obtinrent de l’Empereur qu’il fit couronner son fils. Cette cérémonie, qui eut lieu le 1er août 1203, ne remplit pas l’objet qu’on s’étoit proposé : elle ne servit qu’à dé-