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SUR VILLE-HARDOUIN

truire entièrement l’autorité du père qui avoit au moins quelque expérience, et à donner au fils qui n’en avoit aucune, un pouvoir dont il ne sut pas faire usage. Une imprudence très-grave suivit de près le couronnement d’Alexis. Sans qu’on eût eu le temps de préparer le peuple à un changement important dans la religion, le clergé latin exigea que le traité fût, sous ce rapport, exécuté à la lettre, et que le patriarche de Constantinople abjurât publiquement les erreurs qui le séparoient de l’Église romaine. Jean Camatère, alors patriarche, avoit été élevé à cette dignité par Euphrosyne, femme de l’usurpateur. Habitué à se soumettre aux caprices d’une Cour corrompue, il étoit disposé à faire tout ce qu’on exigeroit de lui. Les Croisés furent eux-mêmes étonnés de la facilité avec laquelle ils obtinrent une soumission à laquelle plusieurs siècles de négociations n’avoient pu amener l’Église grecque ; et il est surprenant que cette facilité suspecte ne leur ait pas inspiré quelque défiance. On vit donc Camatère monter dans la chaire de Sainte-Sophie, déclarer en présence du légat du Pape, qu’il reconnoissoit Innocent III, et annoncer qu’il iroit incessamment recevoir de lui le pallium.

Cependant Alexis voyoit avec inquiétude approcher le moment où les Croisés devoient partir pour la Terre-Sainte. Il avoit payé une partie de ce qu’il leur devoit, mais il étoit dans l’impossibilité d’acquitter le reste sans augmenter le mécontentement du peuple. Il obtint donc des chefs de la croisade qu’ils resteroient encore un an dans le voisinage de Constantinople. Afin de ne pas les laisser dans une inaction qui auroit pu devenir funeste à l’un et à l’autre peuple, il