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TABLEAU

n’espérèrent même pas pouvoir défendre Damiette, quoique cette ville fût très-fortifiée.

Tout-à-coup les Croisés virent s’élever de cette ville une épaisse fumée et des flammes. Ignorant la cause de cet incendie, ils se tenoient sur leurs gardes, lorsque des esclaves chrétiens vinrent leur dire que l’on avoit reçu la nouvelle de la mort du Sultan, et que les Sarrasins évacuoient Damiette. Le Roi se défia de cet avis, et envoya des personnes sûres examiner ce qui se passoit dans la ville. Elles rapportèrent qu’il ne s’y trouvoit que quelques Chrétiens échappés au massacre ordonné par le chef des Musulmans avant leur départ. Ce succès inattendu ne donna point d’orgueil à Louis : il en rapporta tout l’honneur au Dieu qui le protégeoit. Il entra dans Damiette, accompagné de la reine Marguerite, tous deux pieds nus et la tête découverte. Ce fut ainsi qu’ils allèrent à la principale mosquée, dédiée autrefois par Jean de Brienne à la sainte Vierge, et que le légat venoit de rendre au culte chrétien.

Il paroît que les Croisés se trompèrent sur l’époque du débordement du Nil, et que cette erreur leur fit prendre la résolution de passer l’été à Damiette ; résolution qui causa leur perte, parce qu’un si long repos dans un pays chaud, énerva l’armée, et que les Sarrasins eurent le temps de reprendre courage. Il est probable que si Louis eût voulu marcher aussitôt sur le Caire, il s’en seroit rendu maître, et que la guerre eût été terminée. Le climat réveilla dans les soldats des passions que les fatigues eussent étouffées : ils se livrèrent à toute sorte d’excès ; le pillage éloigna les marchands qui apportoient des vivres, et des lieux de débauche furent établis, même dans le voisinage