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DU RÈGNE DE SAINT LOUIS

par la prudence, lui parut peu digne du courage que l’armée avoit déployé. Il ne put supporter l’idée de paroître fuir devant l’ennemi.

Almoadan, fils du sultan Meleck, si long-temps attendu par les Sarrasins, arriva enfin avec une armée levée dans la Syrie. Il envoya sur-le-champ défier le Roi, et le sommer de fixer un jour pour une bataille décisive. « Assigner un jour, répondit Louis, ce seroit excepter tous les autres. Demain, aujourd’hui, à l’instant même. » Cette réponse frappa le jeune sultan, qui aima mieux laisser l’armée chrétienne se consumer par la disette et les maladies, que d’acheter par des flots de sang une victoire douteuse.

Il intercepta les communications de cette armée avec la ville de Damiette, d’où elle tiroit ses subsistances, et bientôt elle fut livrée aux horreurs de la famine. D’un autre côté, une multitude de corps morts, jetés dans le Nil, avoient été arrêtés par le pont qui joignoit les deux camps, et y répandirent l’infection. Le scorbut, les fièvres malignes, la dysenterie exercèrent leurs ravages. Presque tout le monde en fut atteint. Dans cette épreuve terrible, Louis se montra plus grand que jamais. Joinville raconte avec beaucoup de détail les soins qu’il eut des malades, et les consolations qu’il donnoit aux mourans. Un trait qu’il ne rapporte pas, montre jusqu’à quel point il étoit révéré et chéri de ses serviteurs. Un de ses valets de chambre, se trouvant à l’extrémité, dit à Guillaume de Chartres qui l’assistoit : « J’attends mon saint maître, je ne mourrai pas que je n’aie eu le bonheur de le voir. » Louis s’empressa d’aller près du mourant, qui expira doucement dans ses bras.