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NOTICE.

pense évidemment au-dessus de ses moyens. Lorsque l’époque du départ fut arrivée, Joinville et ses jeunes compagnons donnèrent des fêtes, et parurent vouloir s’étourdir sur la carrière dangereuse dans laquelle ils entroient ; mais à cette gaîté bruyante succédèrent bientôt des réflexions plus sérieuses. Joinville assembla ses vassaux et leur déclara qu’avant de partir pour un voyage dont il ne savoit pas s’il devoit revenir, il vouloit réparer tous les dommages qu’il avoit pu faire ; ensuite il se retira pour les laisser libres de dresser leurs réclamations. Je ne veux, disoit-il, emporter un seul denier à tort. Après s’être assuré qu’il n’avoit, sous ce rapport, rien sur la conscience, il se confessa, prit le bourdon des mains de l’abbé de Cheminon, et quitta son château de Joinville pour n’y plus rentrer qu’à son retour de la croisade. Il fit dans les environs plusieurs pèlerinages, pieds nus, et revêtu d’une tunique blanche. En allant ainsi de Blicourt à Saint-Auban, il passa près de son château, où demeuroient son épouse et ses deux enfans ; il n’osa tourner ses regards sur cette habitation chérie, et résista, bien malgré lui, à la tentation si naturelle d’aller embrasser encore une fois sa jeune famille. Il peint lui-même, dans ses Mémoires, cette situation de la manière la plus touchante ; lorsqu’il eut remporté sur sa tendresse cette victoire pénible, il alla dîner à la Fontaine-l’Archevêque, et partit pour Marseille avec sa troupe.

Il joignit le Roi dans l’île de Chypre, rendez-vous général des Croisés. Dès-lors il se trouva dans l’impossibilité de payer sa petite armée, et fut obligé de prier