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TABLEAU

et conduit à Charles. Ce prince, qui venoit d’obtenir une victoire si glorieuse, la souilla par l’abus qu’il en fit. Il ne craignit pas de livrer à une commission de juges nommés par lui, Conradin et le duc d’Autriche, princes souverains, que toutes les lois reconnues alors rendoient indépendans de lui. Ils furent condamnés à mort comme des rebelles pris les armes à la main. L’échafaud fut dressé sur la place du marché ; le duc d’Autriche périt le premier : Conradin montra le plus grand courage ; il demanda pardon à son jeune ami d’avoir causé sa perte, ramassa sa tête sanglante, et la couvrit de baisers. Ensuite il jeta son gant au milieu du peuple, en déclarant qu’il cédoit ses droits à qui le vengeroit. Satisfait d’avoir fait ce dernier acte de pouvoir, il présenta sa tête aux bourreaux. Ainsi moulut un prince, à peine âgé de seize ans, qui donnoit les plus grandes espérances, et qui fut victime des imprudences et des excès de son père et de son aïeul. On dit que son gant fut ramassé par le chevalier Trucksez de Walbourg, qui le porta sur-le-champ à Pierre d’Arragon, époux de la fille de Mainfroy.

Les juges nommés par Charles d’Anjou firent périr plusieurs partisans de Conradin : Henri, le plus coupable, fut épargné comme proche parent du Roi : Hélène, femme de Mainfroy, et Manfredini, son fils, moururent prisonniers dans le château de l’Œuf.

Élisabeth, mère de Conradin, ayant appris la détention de son fils, avoit quitté précipitamment l’Allemagne pour venir solliciter sa grâce, et payer sa rançon : elle apprit en route sa mort affreuse.