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HISTOIRE

avoit le bon Roy grant fiance, en le disant de sa personne, pour la grant charge qu’il venoit à prandre. Il eut en Dieu moult grant fiance dés son enfence et jusques à la mort ; car à la fin de ses darreniers jours tousjours reclamoit Dieu, ses saints et saintes ; et par especial pour intercesseurs avoit-il souvent monseigneur saint Jaques et madame sainte Genevieuve. Pour laquelle chose fust-il gardé de Dieu dés s’enfence jusques au darrenier point, quant à son ame, et aussi par les bons enseignemens de sa mere, qui bien l’enseigna à Dieu croire, craindre et amer en jeunesse, il a depuis tres-bien et saintement vesqu selon Dieu. Sa mère lui atraysit[1] toutes gens de religion, et lui faisoit ouir aux dimenches et festes et sermons la parolle de Dieu. Dont plusieurs foiz se recorda, et que sa mère lui avoit dit souventesfoiz qu’elle ameroit mieulx qu’il fust mort, qu’il eust commis ung seul peché mortel.

Bien lui fut besoing que dés son jeune aage Dieu lui aidast ; car sa mere estoit d’Espaigne, païs estrange, et demoura sans nulz autres parens ne amis en tout le royaume de France. Et pour ce que les barons de France le virent, lui et sa mere, personnes estranges, sans support, forz que de Dieu, ilz firent du conte de Boulongne, qui estoit oncle du Roy darreinerement trespassé son père, leur chevetaine[2], et le tenoient comme pour leur seigneur et maistre. Et advint que, aprés que le bon Roy fut couronné, pour commencement de guerre aucuns desditz barons de France requisdrent à sa mere qu’elle leur

  1. Lui atraysit : attira vers lui.
  2. Chevetaine : chef, capitaine, commandant.