Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les Anglois virent le Roy passé, tous se commancerent à effraier ainsi comme Dieu voulut, et s’en entrerent dedans la cité de Saintes. Et advint que en la meslée y eut plusieurs de noz gens parmy les Anglois qui entrerent avec eulx en la cité, et furent prins.

Et ay depuis ouy dire à aucuns d’eulx que celle nuitée le roy d’Angleterre et le conte de La Marche eurent grant discord l’un à l’autre en ladite cité de Saintes, ainsi qu’ilz oirent. Et disoit le roy d’Angleterre que le conte de La Marche l’avoit envoié querir, et qu’il lui avoit promis qu’il trouveroit grant secour en France. Et sur ce debat se meut le roy d’Angleterre de la cité de Saintes, et s’en alla en Gascongne, dont il estoit premier party[1]. Et voiant le conte de La Marche qu’il estoit seul demouré, congnoissant qu’il ne povoit amender le mal fait, se rendit prisonnier du Roy, lui, sa femme, et ses enfans. Dont de ce le Roy eut grant quantité des terres du conte, la paix faisant. Mais je ne sçay combien, pour ce que n’y estoie present. Car alors n’avois-je encor vestu nul haubert[2]. Bien ay ouy dire que avec les terres que le Roy eut, encores le conte de La Marche lui quitta dix mil livres parisis de rente, qu’il avoit sur lui par chacuns ans.

Aprés ces chouses, advint que le Roy cheut en une tres-grant maladie à Paris, et tellement fut au bas, ainsi que lui ouy dire, que une des dames, qui le gardoit en sa maladie, cuidant qu’il fust oultre[3],

  1. Dont il estoit premier party : dont il étoit d’abord parti.
  2. Haubert : cotte de maille. Les chevaliers avoient seuls droit de la porter. Joinville veut dire ici qu’il n’étoit pas encore chevalier.
  3. Qu’il fust oultre : qu’il fût passé outre, qu’il fût mort.