Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/206

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Jonville, qui vindrent par devers moy la vigille de Pasques mesmes, qui fut le jour que naquit Jehan mon filz, seigneur d’Ancarville, qui fut de premiere femme seur du conte de Grant-pré. Je fuz toute la sepmaine à faire festes et banquetz avecques mon frere de Vauquelour, et tous les riches homs du païs qui là estoient, et disoient aprés que avions beu et mangé chanzons les ungs aprés les autres, et demenoit grant joie chascun de sa part. Et quant ce vint le vendredy, je leur dis : « Seigneurs, saichez que je m’en vois oultre mer. Je ne sçay si je reviendray jamés, ou non. Pourtant s’il y a nul à qui j’aye jamés fait aucun tort, et qui se vueille plaindre de moy, se tire avant ; car je le veulx amender, ainsi que j’ay de coustume de faire à ceulx qui se plaignent de moy, ne de mes gens. » Et ainsi le feys par commun dict des gens du païs, et de ma terre. Et affin que je n’eusse point de support, leur conseil tenant, je me tiré à cartier, et en voulu croire tout ce qu’ilz en rapporteroient sans contredict. Et le faisoie pource que je ne vouloie emporter ung seul denier à tort. Et pour faire mon cas je engaigé à mes amys grant quantité de ma terre, tant qu’il ne me demoura point plus hault de douze cens livres de terre de rente ; car madame ma mere vivoit encores, qui tenoit la plus part de mes choses en doüaire. Je party moy dixisme de chevaliers, comme j’ay devant dit, avecques trois banieres. Et ces choses vous raconté-je, pour ce que si n’eust esté l’aide et secour de Dieu, qui jamés ne me oublia, je n’eusse sceu porter tel fays par le temps de six ans que je fuz en la Terre sainte en pelerinage.

Quant je fu prest de partir, et tout ainsi que je