vouloie mouvoir, Jehan sire d’Apremont et le conte de Salebruche envoierent par devers moy savoir si je vouloie que nous allissions ensemble, et qu’ilz estoient tous prestz eulx dixismes de chevaliers. Ce que tres-voulentiers je consenty, et feismes lever une nef à Masseille, qui nous porta et conduisit tous ensemble, harnois et chevaulx.
Et saichez que avant le partir, le Roy manda à Paris tous les barons de France, et leur fist faire foy et hommage, et jurer que loyaulté ilz porteroient à ses enfans, s’aucune malle chose avenoit de sa personne ou saint veage d’oultre mer. Et aussi me manda-il. Mais moy, qui n’estois point subget à lui, ne voulu point faire de serement : et aussi n’estoit point m’entention de demourer. Et quant je voulu partir et me mettre à la voye, je envoié querir l’abbé de Cheminon [1], qui pour lors estoit tenu le plus preudomme qui fust en toute l’Ordre blanche, pour me reconcillier à lui. Et me bailla et ceignit mon escherpe, et me mist mon bourdon en la main. Et tantost je m’en pars de Jonville, sans ce que rentrasse onques puis ou chastel, jusques au retour du veage d’oultre mer. Et m’en allay premier à de saints veages, qui estoient illeques[2] prés ; c’est assavoir à Bleicourt en pelerinage, à Saint Urban, et és autres lieux qui estoient prés de Jonville, tout à pié, deschaux, et en lange. Et ainsi que je allois de Bleicourt à Saint Urban, qu’il me failloit passer auprès du chastel de Jonville, je n’ozé oncques tourner la face devers Jonville, de paeur d’avoir trop grant regret, et que le cueur me atten-