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nef, et habandonnerent mes chevaliers en la barque. Lors je m’escrié, et demandé au maistre de combien ilz avoit trop de gens en la barque. Et il me dist qu’il y en avoit trop de dix-huit hommes d’armes. Et tantost l’en deschargé d’autant, et les mis en la nef où estoient mes chevaulx. Et ainsi que je menois de ces gens d’armes, ung chevalier fut, qui estoit à monseigneur Airart de Brienne, nommé Plouquet, qui voulut descendre de la grant nef en la barque : et la barque s’esloigne ; et le chevalier cheut en la mer, et se noya.

Lors nous commençasmes à naviger par darriere la barque de la grant nef du Roy, et alasmes à terre. Et tantoust que les gens du Roy, qui venoient à terre comme nous, virent que nous allions plustoust qu’ilz ne faisoient, ilz nous escrierent que alissions arriver à l’enseigne saint Denis[1]. Mais je ne les en voulu croire, ains alasmes arriver devant une grosse bataille de Sarrazins et de Turcs, là où il y avoit bien six mil hommes à cheval. Lesquelz si toust qu’ilz nous virent à terre, ilz frapperent des esperons droit à nous ; et nous de ficher noz lances et nos escuz à terre en la sable, les pointes devers eulx. Et tantoust qu’ilz virent ce, et que nous cheminions à terre, ilz s’en retournerent tout souldain, et s’enfuirent.

Le bon preudom missire Baudouyn de Reims me manda, tantoust que fu à terre descendu, par l’un de ses escuiers, que je l’attendisse. Et je lui mandé par son messagier que tres-voulentiers le ferois, et que ung si vaillant homme, comme il estoit, valloit

  1. A l’enseigne Saint-Denis : au vaisseau qui portoit l’enseigne de saint Denis.