Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien d’estre attendu. Dont il me sceut bon gré toute sa vie. Et tantoust arriva à nostre compaignie, avec bien mil chevaliers avecques lui. Et saichez que quant je fu à terre, je n’avoye lors avecques moy pié ne compaignon de tous mes gens, que j’avoie amenez de mon païs. Mais non pource[1] Dieu m’a tousjours aidé de sa grâce, dont je l’en lo[2].

A nostre main senestre[3] arriva le conte de Japhe, qui estoit cousin germain du conte de Montbelial, et du lignaige de la maison de Jonville. Celui conte de Japhe arriva moult noblement à terre ; car sa gallée estoit toute painte et dedans et dehors à escussons de ses armes, lesquelles armes sont d’or à une croix de gueulles patée. Il avoit bien trois cens mariniers en sa gallée, qui chascun d’eulx portoit une targe[4] à ses armes : et à chascune targe y avoit ung penoncel[5] de ses armes batu à or. Et quant il alloit sur mer le faisoit bon veoir, à cause du bruit que menoient les panonceaux[6], et aussi le son des naccaires, tabours et cors sarrazinois qu’il avoit en sa gallée. Si toust que la gallée eut frappé en la sable, le plus avant qu’ilz la peurent mener, lui et ses chevaliers, et gens de guerre, sortirent moult bien armez et en point, et vindrent arriver couste[7] nous. Et tantoust fist le conte de Japhe tendre ses pavillons. Et si tost comme les Sarrazins les virent tenduz, ilz se assemblèrent en grant nombre, et revindrent courans contre nous, ferans chevaulx des esperons. Et quant ilz virent que nous ne nous espoventasmes

  1. Pource : pour cela seulement.
  2. Lo : loue.
  3. Senestre : gauche.
  4. Targe : bouclier.
  5. Penoncel : bannière.
  6. Panonceaux : drapeaux.
  7. Couste : à côté de.