Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/221

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les Sarrazins, habandonnerent la cité de Damiete, cuidans que leur Souldan fust mort. Quant le Roy en ouit la nouvelle, il envoya savoir jusques à Damiete par l’un de ses chevaliers. Et tantoust le chevalier retourna devers le Roy, et lui rapporta qu’il estoit vray qu’il estoit mort, et s’en estoient fuiz les Sarrazins, et qu’il avoit esté jusques dedans leurs maisons. Lors le Roy fist appeller le legat et tous les prelatz de l’ost, et fist chanter Te deum laudamus, tout du long. Et tantost le Roy monta à cheval, et toute sa gent, et nous en alasmes loger devant Damiete. Les Turcs mal advertiz partirent trop souldain qu’ilz ne nous coupperent les pontz qu’ilz avoient faitz de nefz, dont grant desplaisir nous eussent fait. Mais par autre voie ilz nous firent tres-grant mal et dommaige : de ce qu’ilz bouterent le feu par tous les endroits de la Soulde[1], là où toutes leurs marchandises et leur avoir de pris estoient, qu’ilz firent brusler à cautelle[2], de paeurs que nous en fussions aucunement avancez. Et fut une mesme chose comme qui bouteroit demain le feu ou petit pont à Paris, dont Dieu nous gard de tel dangier.

Or disons en nous mesmes quelle grace nous fist Dieu nostre createur, quant il nous deffendit de mort et de peril à l’ariver que fismes, quant nous courusmes à joie sur noz ennemis qui estoient à cheval. Quelle autre plus grant grace nous fist le bon Seigneur quant il nous livra Damiete sans dangier de noz corps, la-

  1. La Soulde : il faut lire la Fonde. C’étoit une espèce de grand marché où se trouvoient une multitude de boutiques et de magasins.
  2. A cautelle : par précaution.