Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/228

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qu’il fust mort ou en grant peril. Lors me souvint du bon doian de Maru, et racompté au legat la façon et maniere comment, par trois processions qu’il nous avoit fait faire sur la mer, nous fusmes delivrez du grant peril où nous estion, ainsi que j’ay devant escript. Le legat creut mon conseil, et fit crier trois processions en l'ost, qu’on feroit par trois sabmediz. La première procession commença en la maison du legat, et allerent au moustier Nostre Dame en la ville de Damiete. Et estoit le moustier en la mahommerie des Turcs et Sarrazins, et l’avoit fait dedier celui legat en l’onneur de la mere de Dieu la glorieuse vierge Marie. Et ainsi par deux sabmediz fut fait. Et faisoit à chacune des fois sermon le legat. Là estoit le Roy et autres grans seigneurs, à qui le legat donnoit grant pardon aprés qu’ilz avoient ouy le sermon. Dedans le tiers sabmedi arriva le bon conte de Poitiers avecques ses gens. Et bien lui fut mestier[1] de n’estre point venu durant le temps des deux sabmediz premiers; car je vous promets que ce temps durant il y eut sans cesser si grant tourmente en la mer devant Damiete, qu’il y eut bien douze vingtz vesseaulx, que grans, que petitz, tous brisez et perduz, et les gens qui les gardoient noiez. Parquoy si le conte de Poitiers fust lors venu, il eust esté en grand dangier d’estre noyé. Et croy que ainsi fust-il si Dieu ne lui eust aidé.

Quant le conte de Poitiers, qui estoit frere du Roy, fut arrivé, grand joye s’esmeut en toute l’armée. Et manda querir le Roy ses prouches barons et autres gens de son conseil, et leur demanda quel voie il devoit prandre, ou en Alixandrie, ou en Babilonne.

  1. Mestier : avantageux.