Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le conte Pierre de Bretaigne, avecques plusieurs des autres barons, furent d’opinion que le Roy allast en Alixandrie, pour ce que devant la ville avoit bon port à arriver les nefz et bateaux pour avitailler l’ost. Mais à ceste opinion fut contraire le conte d’Artois, et dist que ja il n’yroit en Alixandrie premier que on eust esté en Babilonne, qui estoit le chief de tout le royaume d’Egipte. Et disoit par ses raisons que qui vouloit occir le serpent, il lui devoit premier escacher[1] la teste. A ce conseil se tint le Roy, et laissa la premiere opinion.

A l’entrée des Advens se partit le Roy et tout son ost pour aller en Babilonne[2], ainsi que lui conseilla le conte d’Artois. Et en la voie assez prés de Damiete trouvasmes ung fleuve qui issoit de la grant riviere : et fut advisé que le Roy sejourneroit là ung jour, tandis qu’on estoupperoit[3] ledit fleuve, afin qu’on ne peust passer. Et fut la chose faite assez aiseement ; car on estouppa ledit fleuve ras à ras de la grant riviere, en telle façon que l’eauë d’un cousté et d’autre ne se haulsa point, et qu’on povoit passer à son aise. Que fist le Souldan ? Il envoya devers le Roy, cuidant le faire par cautelle, cinq cens de ses chevaliers des mieulx montez qu’il sceut choisir, disans au Roy qu’ils estoient venuz pour le secourir, lui et tout son ost ; mais c’estoit seulement pour delaier nostre venuë. Le jour de saint Nicolas le Roy commanda que tout le monde montast à cheval, et defendit, sur paine de

  1. Escacher : écraser.
  2. Babilonne : c’étoit ainsi qu’on appeloit alors le grand Caire.
  3. Tandis qu’on estoupperoit ledit fleuve : tandis qu'on feroit une saignée à la rivière pour diminuer la hauteur de l’eau.