Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/244

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j'avoie à la selle de mon cheval, dont bien mestier m'en fut. Et quant il vit que j’eu mon espée au poing, il tira son glaive à lui, que j’avoie saisi, et se recula de moy. Or advint que mes chevaliers et moy nous trouvasmes hors de l’ost des Sarrazins, et par cy par là en veismes bien prez de six mil qui estoient allez aux champs, et avoient habandonné leurs logis. Et quant ilz nous eurent apperceuz à l’esquart, ilz nous vindrent courir sus de grand rendon[1] ; et là tuerent messire Hugues de Trichatel, seigneur d’Esconflans, qui portoit la banniere de nostre compaignie. Et pareillement prindrent messire Raoul de Wanon de nostredite compaignie, lequel ilz avoient abatu à terre. Et comme ilz l’emmenoient, mes chevaliers et moy le congneusmes, et le allasmes hardiement rescourre, et le delivrer de leurs mains. Et en retournant de celle bataille, les Turcs me donnerent de si grans coups, que mon cheval se agenoulla à terre du grant poix qu’il sentoit, et me jetterent oultre par dessus les oreilles de mon cheval. Et tantoust me redressay mon escu au coul, et mon espée ou poing. Et se tira par devers moy monseigneur Errart d’Esmeray, que Dieu absoille, lequel à semblable ilz avoient abatu à terre. Et nous retirasmes luy et moy auprés d’une maison qui illeques prés avoit esté abatuë, pour attendre là le Roy qui venoit. Et trouvé façon de recouvrer cheval. Et ainsi que nous en allions à celle maison, veez-cy une grant bande de Turcs qui viennent sur nous courans, et passans oultre à autre compaignie de nos gens qu’ilz veoient là prés. Et en passant ilz me gettent à terre, mon

  1. De grand rendon : avec un grand courage.