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de saint loys.

du Roy ! » Et alors je sentois le coutel emprés la gorge, et m’avoient ja mis à genoullons à terre. Et Dieu de ce péril me délivra o l’aide de ce pouvre Sarrazin, lequel me mena jusques au chastel, là où les Sarrazins estoient. Et quant je fu avecques eulx, ilz me oustèrent mon haubert : et de pitié qu’ils eurent de moy, me voiant ainsi malade, ilz me gectèrent sur moy une mienne couverte d’escarlate fourrée de menu ver, que madame ma mere m’avoit donnée. Et ung autre d’eulx m’apporta une courroie blanche, dequoy je me ceigny par dessus mon couvertouer. Et ung autre des chevaliers sarrazins me bailla ung chapperonnet, que je mis sur ma teste. Et tantoust je commençay à trembler des dens, tant de la grant paeur que j’avoie, que aussi de la maladie. Je demandé à boire, et on me alla quérir de l’eauë en ung pot. Et si toust que j’en eu mis en ma bouche, pour cuider l’envoier aval, elle me sault par les narilles[1] Dieux sceit en quel piteux point j’estoie ! Car j’esperoie beaucoup plus la mort, que la vie, car j’avois l’apoustume en la gorge. Et quant mes gens me virent ainsi sortir l’eauë par les narilles, ilz commancerent à pleurer, et mener deul. Et le Sarrazin, qui m’avoit sauvé, dont j’ay devant parlé, demanda à mes gens, pourquoy ilz pleuroient. Et ilz lui firent entendre, que j’estois presque mort, et que j’avois l’apoustume en la gorge, qui m’estrangleroit. Et icelui bon Sarrazin, qui tousjours avoit eu pitié de moy, le va dire à ung des chevaliers sarrazins : lequel chevalier sarrazin lui dist qu’il me recon-

  1. Pour cuider l’envoier aval, elle me sault par les narilles : croyant pouvoir l’avaler (ou l’envoyer en bas), elle me sortit par les narines.