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histoire

fortast, et qu’il me donneroit tantoust quelque chose à boire, dont je serois guery dedans deux jours ; et ainsi le fist. Et tantoust fu guery o l’aide de Dieu, et du breuvage, que me donna le chevalier sarrazin.

Tantoust après que je fu guery, l’admiral des gallées du Souldan m’envoia quérir devant lui, pour savoir si j’estois cousin du Roy, comme l’on disoit. Et je lui responds, que non. Et lui comptay comment ce avoit esté fait, ne pourquoy. Car ce avoit esté le marinier, qui le m’avoit ainsi conseillé, de paeurs que les Sarrazins des gallées, qui nous prindrent, nous tuassent tous. Et l’admiral me respondit, que moult bien avoie esté conseillé ; car autrement nous eussent-ils tuez sans faille, et gectez dedans le fleuve. Derechief me demanda ledit admiral, si j’avoie aucune congnoissance de l’empereur Ferry[1] d’Almaigne, qui lors vivoit ; et si j’estoie mie de son lignage. Et je lui respondy la vérité, que j’entendois que madame ma mère estoit sa cousine née de germain. Et l’admiral me respondit qu’il m’en aymoit de tant mieulx. Et ainsi comme nous estions là mengeans et buvans, il m’avoit fait là venir devant moy ung bourgeois de Paris. Quant le bourgeois me vit menger, il me va dire : « Ha ! Sire, que faites-vous ? » Que je fays ? fis-je. Et le bourgeois me va advertir de par Dieu, que je mengeoie au jour du vendredi. Et subit je lancé mon escuelle, où je mengeois, arriere. Et ce voiant l’admiral, demanda au Sarrazin, qui m’avoit sauvé, qui estoit tousjours avecques moy, pourquoy j’avoie laissé à mengier. Et il lui dist, que c’estoit pour ce qu’il estoit vendredi, et que je n’y pensois

  1. Ferry : Frédéric.