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histoire

mande ne lui respondit oncques ung seul mot le bon roy saint Loys.

Quant ilz eurent ce fait, il en entra bien trente en nostre gallée avec leurs espées toutes nues és mains, et au coul leurs haches d’armes. Et je demanday à monseigneur Boudouyn d’Ebelin, qui entendoit bien sarrazinois, que c’estoit que celles gens disoient. Et il me respondit qu’ilz disoient qu’ilz nous venoient coupper les testes. Et tantoust je viz un grant trouppeau de noz gens, qui là estoient, qui se confessoient à ung religieux de la Trinité qui estoit avecques Guilleaume conte de Flandres. Mais endroit moy[1] ne me souvenoit alors de mal ne de pechié que oncques j’eusse fait : et ne pensois sinon à recevoir le coup de la mort. Et je me agenoillé aux piez de l’un d’eulx lui tendant le coul, et disant ces motz en faisant le signe de la croix : « Ainsi mourut sainte Agnès. » Encouste moy se agenoilla messire Guy d’Ebelin connestable de Chippre, et se confessa à moy : et je lui donnay telle absolucion, comme Dieu m’en donnoit le povoir. Mais de chose qu’il m’eust dite, quant je fu levé oncques ne m’en recorday de mot.

Nous fusmes tantoust mis en la soulte de la gallée, tous couschez adans : et cuidions beaucoup de nous qu’ilz ne nous ouzassent assaillir tous à un coup, mais pour nous avoir l’un après l’autre leans[2]. Fusmes à tel meschief toute la nuyt. Et avoie mes piez à droit du viz à monseigneur le conte Pierre de Bretaigne, et aussi les siens piez estoient à l’endroit du mien viz. Advint que le landemain nous fusmes tirez hors de

  1. Endroit moy : quant à moi.
  2. Leans : là dedans.