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histoire

loit croire, qu’il feroit bien jurer le Roy ; car il coupperoit la teste du patriarche, et la lui feroit voler ou giron du Roy. Dont de ce pas ne le voulurent croire les autres admiraulx, mais prindrent le bon homme de patriarche, et le lierent devant le Roy à ung pousteau, les mains darriere le dos si estroitement que les mains luy enflèrent en peu de temps grosses comme la teste : tant que le sang lui sailloit par plusieurs lieux de ses mains. Et du mal qu’il enduroit, il crioit au Roy : « Ha ! Sire, Sire, jurez hardiement ; car j’en prens le péché sur moy et sur mon ame, puis que ainsi est que avez desir et voulenté d’acomplir voz promesses et le serement.» Et ne sçay si en la fin le serement fut fait. Mais quoy qu’il en soit, les admiraulx se tindrent au darrenier, acontens du serement que le Roy leur avoit fait, et des autres seigneurs qui là estoient.

Or devez savoir, que quant les chevaliers de la Haulcqua eurent occis leur Souldan, les admiraulx firent sonner leurs trompettes et nacquaires à merveilles devant le pavillon du Roy. Et dist-on au Roy que les admiraulx avoient eu grant envie, et par conseil, de faire le Roy souldan de Babilonne. Et me demanda ung jour le Roy si je pensois point qu’il eust prins le royaume de Babilonne, s’ilz le lui eussent offert. Et je lui respondi qu’il eust fait que foul, veu qu’ilz avoient ainsi occis leur seigneur. Et nonobstant ce, le Roy me dist qu’il ne l’eust mye reffusé. Et saichez qu’il ne tint, sinon que les admiraulx disoient entr’eulx que le Roy estoit le plus fier Chrestien qu’ilz eussent jamais congneu. Et le disoient, pour ce que quant il partoit de son logeis il prenoit tousjours sa