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histoire

Mais au contraire la tiaistre quenaille tuèrent tous les povres malades, découpperent les engins, et autres choses qu’ilz devoient garder et rendre en temps et lieu, et de tout firent ung lit, et y misdrent le feu, qui fut si grant qu’il dura tous les jours du vendredi, du sabmedi et du dimanche ensuivans.

Et après qu’ils eurent ainsi découppé et tué tout, et mis le feu parmy, nous autres, qui devions estre délivrez dés le souleil levant, fusmes jusques au souleil couschant sans boire ne mengier, ne le Roy, ne aucun de nous. Et furent les admiraulx en disputacion les ungs contre les autres, tous machinans nostre mort. L’un des admiraulx disoit aux autres : « Seigneurs, si vous me croiez, et tous ces gens que voiez cy avecques moy, nous tuerons le Roy, et tous ces grans parsonnages qui sont avecques lui. Car d’icy à quarante ans nous n’aurons garde, pour ce que leurs enfans sont encor petitz, et nous avons Damiete. Parquoy nous le povons faire seurement.» Ung autre Sarrazin qu’on appeloit Scebrecy, qui estoit natif de Morentaigne[1], disoit au contraire, et reraonstroit aux autres que s’ilz tuoient le Roy après ce qu’ilz avoient tué leur Souldan, on diroit que Egipciens seroient les plus mauvais et iniques de tout le monde, et les plus desloyaux. Et celui admiral qui nous vouloit faire mourir disoit à l’encontre par autres emonstrances palliées, et disoit que voirement ilz s’estoient mespris d’avoir occis leur Souldan, et que c’estoit contre le commandement de Mahommet, qui disoit par son commandement qu’ilz dévoient garder leur seigneur comme la prunelle de

  1. Morentaigne : Mauritanie.