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de saint loys.

qu’il envoieroit la responce au souldan de Damas par ses messagiers, et y envoieroit avecques eulx ung Religieux qui avoit nom frere Yves le Breton, qui estoit de l’ordre des Frères Prescheurs. Et tantoust lui fut fait venir frere Yves. Et l’envoia le Roy devers les ambassadeurs du souldan de Damas, leur dire que le Roy vouloit qu’il s’en allast avecques eux devers le souldan de Damas lui rendre responce que le Roy lui envoioit par lui, pour ce qu’il entendoit sarrazinois. Et ainsi le fist ledit frere Yves. Mais bien vous veulx ici racompter une chose que ouy dire audit frere Yves : qui est que, en s’en allant de la maison du Roy au logeis des ambassadeurs du Souldan faire le message du Roy, il trouva parmy la ruë une femme fort anxienne, laquelle portoit en sa main destre une escuelle plaine de feu, et en la main senestre une fiolle plaine d’eauë. Et frère Yves lui demanda : « Femme, que vieulx-tu faire de ce feu, et de celle eauë que tu portes ? » Et elle lui respondit que du feu elle vouloit brusler paradis, et de l’eauë elle en vouloit estaindre enfer, affin que jamais ne fust plus de paradis ne d’enfer. Et le religieux lui demanda, pourquoy elle disoit telles parolles. Et elle lui respondit : « Pour ce, fist-elle, que je ne vieulx mye que nully face jamais bien en ce monde pour en avoir paradis en guerdon, n’aussi que nul se garde de pécher pour la crainte du feu d’enfer. Mais bien le doit-on faire pour l’entière et parfaite amour que nous devons avoir à nostre créateur Dieu, qui est le bien souverain, et qui tant nous a aymez qu’il s’est soubmis à mort pour noustre rédemption, et qu’icelle mort à souf-

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