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histoire

gner par devant lui. « Car soiez certain, fys-je, que s’ilz prennent, ilz en escouteront plus diligemment et plus longuement, ainsi que vous avez fait de l’abbé de Cluny.» Lors le Roy appella tout son conseil, et leur compta en riant la demande que je lui avois faite, et la raison de ma demande. Toutesfois lui disdrent les gens de son conseil que je lui avois donné tres-bon conseil.

A Yeres y avoit nouvelles d’un tres-vaillant homme cordelier, qui alloit preschant parmy le pays, et s’appelloit frere Hugues. Lequel le Roy voulut voulentiers veoir, et oir parler. Et le jour qu’il arriva à Yeres, nous allasmes au devant son chemin, et vismes que tres-grant compagnie de hommes et femmes le alloient suyvant à pié. Quant il fut arrivé, le Roy le fist prescher, et le premier sermon qu’il fist ce fut sur les gens de religion, qu’il commencza à blasmer, par ce que en la compagnie du Roy en y avoit grant foison. Et disoit qu’ilz n’estoient pas en estat d’eulx sauver, ou que les saintes Escriptures mentoient : ce qui n’estoit vray. Car les saintes Escriptures disent que ung religieux ne peut vivre hors son cloaistre, sans cheoir en plusieurs pechez mortelz : nemplus que le poisson ne sçauroit vivre hors de l’eauë sans mourir. Et la raison estoit. Car les religieux qui suivent la court du Roy boivent et mengeussent plusieurs foiz divers vins et viandes : qu’ilz ne feroient pas, s’ilz estoient en leurs cloistres. Parquoy l’ayse qu’ilz y prennent les amonneste à pechier plus que s’ilz menoient austérité de vie. Au Roy aprés commença-il à parler, et lui donna enseignement à tenir que s’il vouloit longuement vivre en paix, et au gré de son peuple, qu’il