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DU RÈGNE DE SAINT LOUIS

se glisser comme transfuges dans la suite du Roi, et de répandre ce poison sur les mets qui lui étoient destinés. Ce complot fut heureusement découvert. Nangis, qui rapporte cet événement, raconte que lorsque Isabelle vit qu’elle avoit commis un crime inutile, elle s’abandonna au plus sombre désespoir, et voulut se délivrer de la vie en se frappant d’un poignard qu’elle portoit toujours avec elle. Ses femmes la dérobèrent à sa propre fureur. Ne pouvant parvenir à se donner la mort, continue Nangis, elle déchira sa guimpe, s’arracha les cheveux, et la fureur ainsi que les remords la firent tomber dans une maladie grave. Dès ce moment elle fut en horreur aux Français et même à ses propres partisans ; et son nom d’Isabelle fut changé en celui de Jézabel, dont sa conduite rappeloit le caractère et les forfaits.

Cependant son fils Henri III ne put amener tous les secours qu’il avoit promis. Sa foiblesse, son aveugle complaisance pour de vils favoris, lui avoient aliéné le cœur des Anglais, et le parlement avoit refusé les fonds nécessaires pour une expédition en France. Henri n’en partit pas moins avec une foible armée, et vint débarquer à Royan, près de l’embouchure de la Garonne. Isabelle s’empressa d’aller au-devant de lui, et le reçut sur le rivage : « Mon cher fils, lui dit-elle, vous montrez un bon naturel en venant secourir votre mère et vos frères, que les fils de Blanche veulent opprimer et fouler aux pieds. »

Henri, trompé sur sa position, par les conseils de cette femme implacable, rejeta toutes les propositions pacifiques que Louis lui fit faire. Alors le roi de France poussa la guerre avec vivacité, afin de dissoudre la