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DU RÈGNE DE SAINT LOUIS

doute conclu que la résolution de Louis ne fut ni aveugle ni fanatique.

Le nombre des Croisés s’augmentoit tous les jours ; mais l’enthousiasme étoit plus fort dans les provinces qu’à la Cour. Quelques jeunes seigneurs n’auroient pas craint de s’épargner beaucoup de fatigues, et de profiter de l’absence de leurs parens pour augmenter, sous la régence, leurs dignités et leur fortune. Louis, dont la piété n’étoit pas étrangère à une gaieté douce et décente, employa pour les engager à le suivre un moyen qui prouve combien il connoissoit le caractère français. C’étoit alors l’usage que les rois distribuassent aux seigneurs de leur cour des livrées ou des manteaux richement brodés et uniformes. La veille de Noël, Louis en fit distribuer pour la messe, qui devoit être célébrée pendant la nuit. L’obscurité empêcha ceux qui les reçurent de les examiner ; mais quel fut leur étonnement, lorsque le matin ils aperçurent qu’ils avoient tous des croix brodées sur leurs épaules. La valeur française ne leur permettoit pas de reculer. Ils tournèrent la chose en plaisanterie, quoiqu’ils la prissent au sérieux, et ils dirent en riant que le Roi étoit un habile pêcheur d’hommes.

Tout se préparoit pour la croisade, et Louis avoit fixé son départ au mois de juin 1248. Quelque temps auparavant, il tint à Paris un parlement où il fut décidé que toutes les guerres particulières seroient suspendues pendant cinq années, que les Croisés seroient pour trois ans à l’abri des poursuites de leurs créanciers, et que le clergé paieroit le dixième de ses revenus pour les frais de la guerre. En même temps, le Roi envoya par tout le royaume des Frères Prê-