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TABLEAU

croix ; et Dieu m’est témoin que je ne prendrai point de nourriture que vous ne me l’ayez rendue. » La Reine et l’évêque, fondant en larmes, crurent reconnoître la volonté de Dieu dans cette persévérance aussi pieuse qu’héroïque ; et sans insister davantage, ils mirent le sort de ce vertueux prince entre les mains de la Providence.

Cette grande résolution n’a pas été exempte de reproches dans un siècle où l’on a eu le tort de juger les mœurs anciennes d’après les préjugés modernes. En déclamant beaucoup contre les croisades, on a traité de fanatisme le dévouement de saint Louis. On auroit dû, avant de prononcer d’une manière si tranchante, se reporter aux temps dont on vouloit tracer l’histoire, et juger au moins les croisades d’après les règles les plus communes de la politique. Avec plus de réflexion et moins de prévention, on auroit vu que ces expéditions avoient non-seulement pour objet de favoriser les pèlerinages et de secourir les Chrétiens d’Orient, mais encore de mettre l’Italie à couvert des invasions des Sarrasins, et de les affoiblir en Espagne ; double résultat qui fut entièrement obtenu. On auroit vu que les guerres particulières qu’entraînoit le régime féodal furent sinon suspendues, du moins beaucoup diminuées par ces entreprises, auxquelles les seigneurs s’empressoient de prendre part ; que les forces dont les Chrétiens se servoient pour se ■détruire eux-mêmes furent par là tournées contre leur ennemi commun ; qu’enfin la prospérité des peuples, l’affranchissement des villes et la tranquillité publique devinrent la suite nécessaire de ces grandes expéditions. D’après ces observations, on auroit sans