Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 33.djvu/77

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roy, et qu’il espousast Elisabeth, il delibera de sortir du royaume pour eviter le courroux et animosité de la reyne Marie, et alla à Venise, où bien-tost après il mourut de poison, comme l’on dict.

Et Elisabeth fut constituée prisonniere par le commandement de Marie, en fort grand hazard de perdre la vie, comme elle m’a dit souvent qu’elle s’y estoit resolue, tant pour la mauvaise volonté qu’elle sçavoit que luy portoit ladite reyne Marie sa sœur, que pour avoir inventé contre elle des accusations, d’avoir escrit au feu roy Henry II en France, et avoir des intelligences avec Sa Majesté, et cognoistre en elle une affection toute françoise. Elle m’a dit aussi qu’estant du tout hors d’esperance d’eschapper, elle desiroit faire une seule requeste à la Reyne sa sœur, qu’elle eust la teste couppée comme l’on fait en France avec une espée, et non avec une doloire à la façon d’Angleterre, priant que pour cette execution l’on envoyast querir un bourreau en France.

Toutefois elle ne courut autre chose de ce danger que la peur ; car Philippe, roy d’Espagne, qui avoit espousé ladite reyne Marie, moyenna sa liberté, et la fit sortir de prison, esperant de l’espouser au cas que Marie mourust sans enfans, comme il advint. Et ledict Philippe, qui estoit pour lors au Pays-Bas, envoya des ambassadeurs en Angleterre, et fit grande instance pour avoir en mariage ladicte Elisabeth, laquelle n’y voulut aucunement prester l’oreille, pour n’y avoir point d’affection ; ce qu’elle m’a souvent dict, et qu’elle ne croyoit aussi estre honneste et licite entre chrestiens d’espouser le mary de sa sœur, bien que le roy d’Espagne fut asseuré de sa dispense si elle l’eust voulu espouser ;