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précis des guerres


se mettre en garde contre les abus de ce pouvoir. La nation alarmée sur ses intérêts les plus chers, sépara sa cause de celle du prince, que les grands cessèrent de soutenir, et lorsqu’on fut obligé de réclamer ses secours, elle dicta des lois au souverain. Nous aurons bientôt lieu de faire remarquer les suites funestes de cette exécution, aussi cruelle qu’impolitique, et que les historiens considèrent comme la source des désordres qui ne tardèrent pas à déchirer le royaume.

Édouard voulant récompenser les services de ses capitaines, les exciter à lui en rendre de nouveaux et resserrer les liens qui les attachoient à lui, avoit institué l’ordre de la Jarretière[1]. Il avoit sagement fixé à vingt-quatre le nombre des chevaliers, afin de rendre cette distinction véritablement honorable pour ceux qui l’obtenoient. Jean II, à son exemple, institua l’ordre de l’Étoile, mais ne connoissant pas aussi bien qu’Édouard les mobiles qui font agir les hommes, il créa cinq cents chevaliers, et l’ordre fut avili dès son origine.

Aussitôt que le pape Clément VI avoit été informé

  1. On raconte que la comtesse de Salisbury, maîtresse du Roi, laissa tomber sa jarretière au bal ; qu’Édouard s’empressa de la ramasser ; qu’ayant aperçu quelques courtisans sourire, comme s’ils eussent cru que cette faveur n’étoit pas due au hasard, il dit à haute voix : Honni soit qui mal y pense ; et que ce fut en mémoire de cet événement si frivole qu’Édouard institua l’ordre de la Jarretière, auquel il donna pour devise les mots qu’on vient de rapporter. Dans ce siècle de chevalerie, une espèce de culte religieux pour les dames se mêloit à l’esprit guerrier, et la galanterie s’empressoit de célébrer tout ce qui se rapportoit à elles. Cette origine de l’ordre de la Jarretière ne seroit donc point contraire à l’esprit du temps ; mais elle n’est confirmée par aucune autorité ancienne.