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ANCIENS MÉMOIRES

distinguer par des actions héroïques, et que son étoile vouloit qu’il se procurât par ses mérites personnels, les dignitez les plus eminentes, particulièrement en France, où l’appelleroit la defense et la gloire des lys, dont il soûtiendroit les interests avec une valeur extraordinaire. Elle la conjura de ne point négliger l’éducation d’un enfant dont sa maison devoit tirer son plus grand éclat, quoy que son visage et sa taille fussent fort disgraciez. La dame fut peu credule à tout ce qu’on luy promettoit de son fils, disant que toutes ses inclinations ne quadroient gueres à de si belles espérances. Cependant elle revint un peu de la mauvaise opinion qu’elle avoit de Bertrand, par l’action qu’elle luy vit faire à l’instant : car ayant fait asseoir la juifve à sa table, ce petit garçon se souvenant de tout ce qu’elle avoit dit en sa faveur, caressa cette femme de son mieux, luy donna d’un paon que le maître d’hôtel venoit de servir, et voulut lui-même luy verser à boire, remplissant le verre avec tant d’empressement et de si bon cœur, que le vin surnageant les bords, se répandit un peu sur la nappe, l’enfant luy disant qu’il en usoit ainsi pour faire la paix avec elle et luy donner quelque satisfaction sur le peu d’honnêteté qu’il avoit eu d’abord pour elle. Cette petite générosité surprit agréablement sa mère, qui ne put se défendre d’avoüer qu’elle ne luy croyoit pas un si grand fonds de reconnoissance[1]. Cependant elle eut pour luy plus de considération dans la suite, le faisant habiller plus honnêtement, et defen-

  1. Bertrand respondi lors à sadite mère : « que mauvais estoit le fruit, et riens ne valoit, qui meurir ne povoit. » (Du Guesclin, par Ménard, p. 6.)