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ANCIENS MÉMOIRES

débuta par se décharger de son fardeau pour embaraasser le pont, et tira de dessous ses habits une bayonnette dont il poignarda le portier, et cria tout aussitôt Guesclin !, pour donner le signal à ses gens de le joindre et de le seconder. Ils partirent aussitôt de la main, se jettans sur le pont, et gaignerent la porte dont ils se saisirent en attendant que le reste pût entrer avec eux : mais comme il y avoit bien deux cens Anglois dans la place, et que Bertrand n’avoit que soixante hommes, la partie n’étoit pas égale : il y eut grande boucherie de part et d’autre ; les Bretons étoient attaquez de tous cotez ; ils n’avoient pas seulement à soûtenir les efforts des soldats anglois, il leur falloit encore essuyer une grêle de pierres, qui leur étoient jettées par les femmes et les enfans de Fougeray.

Le fracas fut grand ; il y eut un Anglois qui d’un coup de coignée fendit la tête d’un des compagnons de Bertrand ; celuy-cy le perça de son épée pour vanger la mort de son compatriote, et s’emparant de la même coignée, charpentoit tous les Anglois qui se présenloient devant luy, les menant battans jusqu’au pied d’une bergerie, contre laquelle il s’adossa pour reprendre haleine, et parer les coups qu’on luy pouvoit porter par derrière, en attendant qu’il luy vint du secours, dont il avoit un très-grand besoin (car il avoit déjà reçu beaucoup de blessures, et le sang qui couloit de dessus sa tête sur ses yeux, luy ôtoit l’usage de la veüe, sans laquelle il ne pouvoit pas se défendre), quand il arriva par bonheur qu’un party de cavalerie qui tenoit pour Charles de Blois, passant là tout auprès, et sçachant que Bertrand étoit aux mains avec les Anglois pour le même sujet, vint le