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SUR DU GUESCLIN.

des courses aux environs du camp des Anglois. Un officier de cette armée[1] tomba par bonheur dans ses mains, qui luy dit que le duc de Lancastre esperoit de faire bientôt joüer une mine pour ouvrir une breche, à la faveur de laquelle il comptoit de prendre Rennes d’assaut. Bertrand, pour détourner le coup, se mit en tête de donner le change aux Anglois, et de leur faire perdre l’envie de continuer l’ouvrage qu’ils avoient commencé : se glissant avec ses Bretons, dans une nuit bien sombre, au milieu du camp du Duc, lors que les Anglois étoient endormis, et pour encourager ses gens, et dans le même temps intimider ses ennemis, il mit le feu dans leurs tentes et cria Guesclin ! L’alarme fut si grande, que les Anglois à leur réveil croyoient que Charles de Blois leur venoit tomber sur le corps avec une armée fort nombreuse ; mais après s’être un peu reconnus ils se rassûrerent et donnerent mille malédictions à Bertrand, qui leur avoit brûlé leur équipage avec une poignée de ses gens, et s’étoit ensuite tiré d’affaire en faisant une fort honorable retraite. Le Duc, indigné de toutes les algarades que luy faisoit cet avanturier, jura que s’il tomboit une fois dans ses mains, il ne le relâcheroit

  1. Ce prisonnier étoit le baron de la Poule, chevalier anglois fort estimé : par rapport à cette prise et par allusion aux armes de Du Guesclin, ses soldats disoient que l’aigle de Bretagne avoit plumé la poule d’Angleterre. Bertrand renvoia ce chevalier à condition qu’il prieroir le duc de Lancastre de sa part de lui permettre d’entrer dans Rennes avec ses amis qui y étoient, et qu’au cas qu’il obtint cette permission il ne payeroit point de rançon. Le duc de Lancastre répondit qu’il se gardoit bien de donner un tel secours aux assiégés, et qu’il aimeroit mieux y voir entrer cinq cens archers que le seul Bertrand. (Hist. de Du Guesclin, par Du Chastelet, p. 16.)