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ANCIENS MÉMOIRES

de quoy soûtenir plus longtemps contre luy le siege de la ville, et qu’ils esperoient le luy faire lever au plutôt par le secours qu’ils attendoient.

Cette favorable avanture les ravitailla pendant quelque temps ; mais à la fin les vivres commençans à leur manquer, le Tortboiteux assembla non seulement tous les officiers de sa garnison, mais aussi tous les plus notables bourgeois de la ville, pour leur représenter qu’ils étoient à bout, et qu’ils ne pourroient pas encore tenir beaucoup de jours, s’il ne leur venoit un prompt secours ; qu’il étoit donc d’avis que quelqu’un de la compagnie prit la résolution de passer tout au travers du camp des ennemis, pour aller trouver le duc Charles, qui faisoit son séjour à Nantes, et luy témoigner que sa capitale étoit aux abois et ne pourroit pas se défendre de capituler, s’il ne faisoit les derniers efforts pour la secourir. Il y eut un bourgeois qui s’offrit de tenter le péril, pourveu que durant son absence, on voulût avoir soin de trois filles et de cinq garçons qu’il avoit, et qui manquoient de pain. La condition fut bientôt acceptée : cet homme qui n’étoit point mal embouché joüa son rôle fort adroitement ; car on ne l’eut pas plutôt mis hors des portes, que, tournant ses pas du côté du camp des Anglois pour se faire arrêter, il pria les ennemis de ne luy faire aucune violence, et d’avoir la bonté seulement de le mener à la tente du Duc, auquel il avoit une affaire très-importante à communiquer, et dont il pourroit beaucoup profiter.

Les gardes le conduisirent auprès de ce prince ; il ne manqua point de fléchir le genou devant luy, contrefaisant le triste et le desolé, comme s’il n’étoit sorty