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SUR DU GUESCLIN.

de la ville que pour l’attendrir sur sa misere. Il luy representa que le gouverneur de Rennes avoit fait mourir sept de ses enfans, et qu’au lieu de mettre dehors toutes les bouches inutiles, comme les vieillards, les petits enfans, et les pauvres, il les avoit fait tous passer au fil de l’épée, de peur que venans à sortir, on ne découvrît le déplorable état où la famine avoit réduit la place. Le personnage s’appercevant que le Duc prêtoit l’oreille à son discours, feignit, pour tirer avantage de sa crédulité, d’avoir un avis très-important à luy donner. Ce prince le carressa de son mieux pour l’engager à luy révéler ce secret. Il luy dit que les assiégez attendoient un secours de quatre mille Allemands qui devoient forcer ses lignes, et jetter dans la place tous les vivres et toutes les munitions qui luy manquoient ; que ce corps de troupes se devoit partager en deux bandes, afin que si l’une ne reüssissoit pas, l’autre pût entrer dans la ville à coup sûr.

Ce rusé circonstancia si bien tous les faits qu’il eut la hardiesse d’avancer, que le Duc ordonna qu’on luy fit apporter à boire et à manger, et monta tout aussitôt à cheval à la tête de ses plus belles troupes, pour aller au devant de ce secours imaginaire, laissant peu de gens dans les lignes pour la continuation du siège. Le galant ayant fait son coup, ne songea plus qu’à se dérober secrettement du camp des Anglois, tandis que le Duc, qu’il avoit joüé, seroit occupé dans la vaine expédition qu’il venoit de luy conseiller. Il se glissa donc à la faveur de la nuit hors des lignes, et marchant à perte d’haleine, il alla reposer dans un vieux château qu’il rencontra sur son chemin sans y trouver personne, parce que le seigneur du lieu, craignant les