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SUR DU GUESCLIN.

assiegeans à l’aube du jour comme ils étoient encore endormis, chargea tout ce qui se rencontra devant luy, fit une cruelle boucherie de ceux qui se mirent en devoir de luy résister. L’épouvante des Anglois fut si grande, qu’ils croyoient avoir sur les bras une armée de François toute entière.

Guesclin ne se contenta pas de ce premier succès ; il apperçut plus de cent charrettes chargées de chairs salées, de farines et de vins, que les Anglois vouloient sauver à la faveur du trouble et du tumulte ; mais Bertrand y courut pour s’en saisir, et fit tant battre les chartiers pour les obliger à marcher du côté de Rennes, qu’il vouloit ravitailler, qu’il les fit tourner de ce côté là, les menaçant qu’il les feroit pendre, et les frappant toujours durant tout le cours de leur marche pour les hâter d’aller. Quand il fut arrivé jusqu’à la barrière de Rennes avec ses troupes victorieuses et cet agréable attirail, il cria de toute sa force Guesclin ! faisant signe de la main qu’il venoit au secours des assiégez, et qu’ils ne balançassent point à luy faire l’ouverture de leurs portes. Le gouverneur et les principaux officiers de sa garnison firent baisser le pont, et coururent à luy pour l’embrasser et le féliciter d’un si grand succès, l’appellans leur libérateur, et reconnoissans que non seulement il avoit sauvé la ville, mais leurs propres vies, puis que la famine les avoit tous mis sur les dents. Il fit son entrée dans Rennes au bruit des acclamations ; toutes les rües ne retentissoient que du nom de Guesclin ; chacun s’empressoit de le voir. Toutes les dames et les bourgeoises étoient aux fenêtres pour le regarder, si bien que ce jour heureux en fut un de triomphe pour luv.