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ANCIENS MÉMOIRES

courses des partis, avoit été contraint de l’abandonner. Il poursuivit sa route à la pointe du jour dés le lendemain ; mais il tomba dans l’embuscade de Bertrand, qui étoit toujours aux aguets. Il le prit d’abord pour un espion que les Anglois avoient envoyé pour observer sa marche et sa contenance, et luy dit dans le langage de ce temps là : Fausse espie, que le corps Dieu te cravante si tu ne me dis moulte vérité !

Le pauvre messager tout épouvanté, se mit à genoux et luy fit tout au long le récit du stratagème dont il venoit de se servir pour duper le duc de Lancastre : il luy offrit même de l’accompagner s’il entreprenoit de donner sur le peu d’Anglois qui restoient dans les lignes. Quand Bertrand s’apperçut que cet homme luy parloit fort sincèrement, il se tourna du côté de ses gens, et leur representa qu’il y avoit un beau coup à faire, et que s’ils avoient assez de courage et de resolution pour le suivre, il pourroit avec eux délivrer Rennes des mains des Anglois. Ils luy promirent tous de ne jamais l’abandonner quand même il les voudroit mener à une mort certaine. Le duc de Lancastre ayant quité son camp avec ce qu’il avoit de troupes choisies, envoya des espions de tous cotez pour apprendre des nouvelles de ces prétendus Allemands qui dévoient le venir forcer dans ses lignes ; mais ses émissaires n’ayant rien appris, ny rien découvert, il luy tomba dans l’esprit que le bourgeois de Rennes pourroit bien l’avoir joüé, pour le faire décamper de son siège et donner cependant à Guesclin beau jeu pour venir insulter le peu de gens qu’il avoit laissé auprès de la place. Son pressentiment ne se trouva que trop véritable ; car Bertrand fit une si grande diligence, qu’il surprit les