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SUR DU GUESCLIN.

mille malédictions au bourgeois qui l’avoit joüé de la sorte, et jura que si jamais il tomboit dans ses mains, il luy feroit souffrir les plus cruels tourmens qu’il pouroit inventer. Tandis que ce prince s’abandonnoit à ses saillies, les chartiers se présentèrent devant luy pour s’aquiter de la commission dont Bertrand les avoit chargé, luy disant que ce genereux capitaine en avoit usé de la manière du monde la plus honnête à leur égard, les faisant rembourser au juste du prix de leurs marchandises, et leur faisant rendre leurs voitures et leurs chevaux. Ils l’assûrèrent aussi, de sa part, qu’il étoit resolu de luy disputer le terrain pied à pied, et qu’il se feroit ensevelir sous les ruines de la ville, avant que les Anglois y puisent entrer. Le Duc à ce récit conçut une estime toute particulière pour Bertrand, se souvenant de toute la conduite qu’il avoit tenue durant tout le cours de ce siège, du courage et de l’adresse avec laquelle il avoit forcé ses lignes, et de l’honnêteté qu’il avoit faite à ces chartiers : il témoigna même quelque curiosité de voir un si brave soldat. Le comte de Pembroc, qui connoissoit Bertrand, ne laissa point tomber ce discours à terre. Il assura ce prince qu’il luy seroit aisé de satisfaire l’envie qu’il avoit là dessus, et que s’il luy vouloit envoyer un passeport, il devoit compter que Guesclin ne balanceroit point à se rendre aussitôt à sa tente. Le Duc fit expédier un saufconduit qu’il signa de sa propre main, le mit dans celle d’un héraut d’armes qui portoit ses livrées, et luy recommanda d’aller à toutes jambes à Rennes, pour prier Bertrand de sa part de le venir trouver.

Ce cavalier s’alla présenter aux portes de la ville, et faisant signe de la main qu’il avoit quelque chose à